Comme à son habitude quand elle n'avait pas cours, Pernille flânait jusqu'à trouver quelque chose d'intéressant à faire. Ses pas l'avaient menée à l'extérieur du château. Dans les jardins. Quand elle avait débarqué au pensionnat, il y a quelques années maintenant, elle avait tout de suite adoré cette partie du domaine. Elle était capable de s'asseoir parmi les arbres et de ne pas décoller de là pendant une journée entière (la plupart du temps, c'est à cause de ça qu'elle sèche des cours, sans même s'en rendre compte). Pour une fois, au lieu de s’asseoir, elle préféra marcher. Au détour d'un bosquet, elle s'arrêta net. Une voix s'était élevée non loin d'elle et, curieuse comme deux, elle écoutait silencieusement les paroles de l'inconnu.

▬ Que c'est charmant.

Pernille ne le vit que de dos. Il lui arrivait d'écouter aux portes quand une conversation lui semblait intéressante, mais jamais elle n'avait suivit quelqu'un en filature. La silhouette qu'elle devinait lui était inconnue. C'était certainement un nouvel élève. Et sa curiosité reprenait le dessus sur le peu de raison qu'elle possédait. Contrairement à son habitude, elle se montra plutôt discrète et réussi à marcher dans ses pas jusqu'à ce qu'il s’assoit à un banc. Elle se cacha du mieux qu'elle pu et tendit l'oreille, sans pouvoir voir ce qu'il faisait.

▬ Ahh... Qu'est-ce qu'il m'a pris de venir ici... Comment j'ai pu croire à des absurdités pareilles ?

▬ Quelles absurdités ?

Pernille n'avait pas pu s'en empêcher. Elle était sortie de sa cachette, avait surgit de nulle part devant l'inconnu, ... et avait ouvert la bouche. Un peu trop grand, comme d'habitude.

▬ T'occupe. Ça ne te regarde pas.

▬ Si tu parles tout seul, c'est que tu n'as personne à qui parler. Maintenant que je suis là, tu peux parler à quelqu'un de "ces absurdités". Quelles absurdités, d'ailleurs ?

La machine était lancée. Puisqu'elle ne savait pas qui se trouvait devant elle (et qu'il n'avait pas l'air très bavard), Pernille était bien décidée à le découvrir. Tant pis pour le temps que ça prendrait et si ça saoulait l'autre.

▬ La curiosité est un vilain défaut, ma belle...

▬ Ça je sais bien, pas la peine de me le répéter, répliqua Pernille, piqué au vif.

Néanmoins, cela ne changea rien. Têtue comme elle était, elle ne risquait pas de renoncer. Pernille s'assit sur le banc, juste à côté de lui, et le regarda fixement de ses grands yeux rouges. Elle ne pensa pas un instant qu'il puisse être surpris. En revanche, elle lui trouve une drôle d'odeur. Il paraissait étonnamment...

▬ Vivant ! s'exclama-t-elle, triomphante. Tu es un vampire et tu viens du village. D'où ton odeur.

Ce que Pernille avait, bien évidemment, oublié, c'est qu'on était en plein jour. Elle était donc à côté de la plaque. Comme souvent.

▬ Ce n'est pas la peine de le crier sur tous les toits. Quel est ton nom, ma jolie ?

▬ Que je le crie ou pas, on s'en fiche. Doit y avoir au moins une centaine de tes collègues au pensionnat. Sinon, je m'appelle Pernille Leclair. Je suis Française. Et toi ? Parce que c'est pas marrant de faire la conversation avec quelqu'un dont on ne connaît même pas le nom. T'es nouveau, tu te présentes.

Pernille aimait bien parler, mais si c'était pour qu'on ne lui réponde qu'une fois sur deux, c'était tout de suite moins drôle. Qu'il soit pas bavard, elle comprenait, mais il pouvait faire un effort. Pernille laissa s'échapper un soupir et se leva. Elle ne tenait pas en place plus d'une minute. Elle se mit à marcher, dos au banc et à l'inconnu, comme si elle partait. Après quelques pas, elle fit volte-face et continua à marcher tout en parlant.

▬ Tu faisais quoi avant de débarquer à Vlad Dracula ?

Elle fit encore quelques aller-retours avant d'en avoir le tournis. Alors elle se planta face au vampire, le cachant momentanément des rayons du soleil. Puis elle se rassit. Par terre. Le visage levé vers lui, elle jouait inconsciemment avec les graviers.

▬ Shadow Kyousuke. Japonais. Ce que je faisais ? Tsk.. Je ne vois pas en quoi ça te regarde, Pernille.

Pernille tiqua en entendant sa nationalité. Elle avait vaguement entendu parlé du Japon. Il lui semblait même qu'elle y avait habité, toute petite. Obsédée par cette idée, elle avait momentanément oublié la fin des paroles de l'inconnu. Ah, non. Plus si inconnu que ça, en fait. Puisqu'elle avait son nom maintenant. Shadow. Pas très japonais.

▬ C'est loin ça, le Japon. La réputation de Vlad Dracula s'étend jusque là-bas ? Comment t'as fait pour venir ici tout seul ? C'est super loin !

Elle était toute excitée. S'il pouvait lui en dire un peu plus à propos de cette île, elle serait ravie. Toutefois, Shadow n'avait pas l'air très disposé à parler de lui. Comme depuis le début de leur conversation, en fait. Mais Pernille s'en moquait. Comme toujours. Elle venait de se rappeler la dernière réponse de Shadow. Elle ne le lâcherait pas. Quitte à arriver en retard à son cours de magie noire, qui avait lieu dans... dix petites minutes. Au pire, elle le suivrait jusqu'à son prochain cours. Toute la journée s'il le fallait. Pernille était curieuse et elle avait décidé de satisfaire sa curiosité.

▬ Et donc tu faisais quoi avant de débarquer à Vlad Dracula ? répéta-t-elle comme si elle n'avait rien entendu. D'ailleurs, t'as quoi comme cours après ? Moi j'ai magie noire dans... dix minutes,  ajouta-t-elle après avoir consulté son portable.

HRP :